•  

    "Portrait bleu" réalisé par Joëlle Troussier à l'acrylique et au couteau.

    La peinture de Joëlle Troussier a quelque chose de puissant, de vibrant qui accroche votre regard et ne le lâche plus. Ses œuvres traduisent ainsi une forte personnalité, celle d’une artiste qui affectionne tout particulièrement l’art de peindre la femme.

                                      

    Entre jeux de lumière, jeux de couleurs et clin d’œil aux yin et au yang, les sources d’inspirations  de cette artiste sont diverses et ses œuvres vous transporteront dans un univers où harmonie et subtilité sont les piliers. C’est donc avant tout le regard profond d’une femme sur la vie, la famille et les enfants, qui vous fera ressentir des émotions qui ne vous laisseront pas insensible.

                                                         

    Autodidacte récompensée plusieurs fois pour son travail et ayant son atelier autour de Rennes à Guignen.

     « La peinture est une nécessité vitale : celle de respirer »

    Delicious Technorati Yahoo! Google Bookmarks Blogmarks

    votre commentaire
  •  

     

     

     

     

    Copiez vos propres dessins et exagérez-les!

    Vous risquez de me prendre encore pour un fou-fou, mais j’ai constaté un phénomène très intéressant après avoir dessiné un croquis rapide d’après observation, et après l’avoir copié et exagéré plusieurs fois de suite: votre trait va devenir plus confiant à mesure des « copies », et si vous recherchez l’exagération en caricaturant le rythme et les traits, vous allez finir par styliser véritablement votre dessin! c’est une de mes techniques secrètes que je vous livre aujourd’hui. Essayez-la, vous verrez à quel point l’effet d’apprentissage graduel est non seulement important, mais si vous réalisez jusqu’à quatre ou cinq dessins rapides les uns à côté des autres, les résultats peuvent être passionnants. Voici une vidéo où j’exagère mes propres dessins à vitesse réel. Même si vous ne dessinez pas aussi vite que moi, ce n’est pas très grave, utilisez tout de même des mouvements amples, lâchez-vous, personne ne vous regarde et vous risquez d’être surpris par vos propres résultats! attrapez une photo de personnage nu pas trop compliqué (par exemple), faites un premier dessin d’observation en utilisant les techniques citées dans cet article, et exagérez les courbes. Ne vous en faites pas si les proportions ne sont pas respectées, faites-vous plaisir et lâchez-moi ce bras crispé! :) Et surtout ne vous découragez pas, j’ai quelques années dans le moteur maintenant, donc ne vous comparez pas!   
    Cette dernière technique est à répéter cinq à dix fois pour des résultats optimaux.      

    Delicious Technorati Yahoo! Google Bookmarks Blogmarks

    votre commentaire
  • Gustave Caillebotte naît en 1848 d'un père qui a su tirer profit des aménagements de Paris du Baron Haussmann. Après une licence de droit, Caillebotte se destinera à la peinture et entrera à l'Ecole des Beaux-arts en 1873.
    Héritier de la fortune de son père, et donc libéré de toute contingence matérielle, il deviendra le mécène de ses amis : les peintres qui vont devenir les Impressionnistes.
    En 1874, il aide à l'organisation de la première exposition Impressionniste, mais ce n'est qu'en 1876 qu'il exposera avec eux, après que son tableau "Les raboteurs de parquet" ait été refusé au Salon Officiel l'année précédente.
    Dans cette oeuvre, la manière de Caillebotte est déjà toute entière présente. Il s'attachera toujours à rendre ces évènements quotidiens, en privilégiant un dessin clair, un cadrage efficace. Après 1882, son style évoluera dans une recherche plus proche de celle de l'Impressionnisme avec un travail plus tourné vers les variations de lumière, notamment dans les paysages.
    A noter que Zola disait de son oeuvre : "Caillebotte a exposé Les Raboteurs de parquet et Un jeune homme à sa fenêtre, d'un relief étonnant. Seulement c'est une peinture tout à fait anti-artistique, une peinture claire comme le verre, bourgeoise, à force d'exactitude. La photographie de la réalité, lorsqu'elle n'est pas rehaussée par l'empreinte originale du talent artistique, est une chose pitoyable".
    Ce qui prouve bien que l'on peut être un grand écrivain, ami de nombreux peintres, et ne pas comprendre grand chose à la peinture. Caillebotte et Cézanne peuvent en témoigner...
    Caillebotte meurt à Gennevilliers en 1894 en léguant à l'état une très importante collection des œuvres de ses amis. Un scandale éclatera en 1897 lors de l'exposition de ces toiles... De nos jours, les Impressionnistes sont pourtant devenus les peintres préférés du public.

    Le pont de l’Europe

    Caillebotte, 1875,  Genève, Petit Palais

     

    - Huile sur toile

     125 x 181 cm

    - Cette œuvre est conservée à Genève, au musée du Petit-Palais


    - Elle représente une scène urbaine de la vie quotidienne

    Avec la collaboration de:http://artifexinopere.com/?p=859

    - L'année 1875-1876 se situe dans la 3ème République, le début de la France contemporaine. A cette époque, nous étions entre deux gouvernements: celui de Jules Defaure (du 9 mars 1876 au 3 décembre 1876) et celui de Jules Simon (du 12 décembre 1876 au 16 mai 1877). Les républicains remportent un grand succès aux élections régionales du 22 février au 5 mars 1876 et le sénat est rempli à cette époque de monarchistes.

     
    Le XIXème siècle est fortement marqué par la révolution industrielle, par ses nombreuses inventions, l'idée de progrès est une valeur communément partagée.
     

    Caillebotte Pont de l'Europe

    Cliquerpour agrandir 

     

    Le pont-devanture

    Le décor

    Le point de fuite décentré sur la gauche donne son plein développement à l’énorme tablier, constitué de poutrelles d’acier entrecroisées. Mais tandis que dans Peintres en bâtiment, la vue vers la droite était bornée par la devanture de la boutique, Caillebotte nous offre maintenant une semi-liberté : regarder, au travers des croisillons, les voies de la gare Saint Lazare en contrebas.

     

     http://www.baudelet.net/val-yerres/gustave-caillebotte/les-peintres-en-batiment.htm

     

    Peintre en batiment

     

     

    Outre la structure même du décor, d’autres détails se retrouvent d’un tableau à l’autre : le lampadaire devenu réverbère et les deux fiacres : l’un qui roule (celui de droite) et l’autre à l’arrêt.

     

     

    Europe_Fiacres1

     

    Fiacres auxquels il faut sans doute associer ces véhicules à chevaux-vapeur que sont les deux locomotives en contrebas, l’une qui roule (celle du fond, avec sa cheminée fumante)  et l’autre à l’arrêt (celle du premier-plan).

     

    Caillebotte Pont de l'Europe Locomotives

     

    Quand au tablier du pont, on peut y voir une sorte de généralisation du motif des deux échelles doubles, à explorer dans tous les sens : « échelles » de la rambarde, de l’ombre sur le trottoir, des poutrelles, ou même des tiges horizontales qui relient les deux séries de X.

     

    Les badauds

    Caillebotte Peintres en bâtiment PremierCaillebotte Pont de l'Europe Peintre

     

     

    Puisque dans Peintres en bâtiment, le chef d’équipe regardait la boutique , il est logique de trouver ici un autre peintre en bâtiment contemplant l’équivalent des bouteilles, à savoir ces autres moyens d’évasion que sont les trains en partance vers des destinations inaccessibles. Même blouse blanche, même lavallière noire, même casquette bleue : pourquoi pas le même ouvrier, profitant d’un moment d’oisiveté pour  quitter sa devanture et rêver d’aventures ?

     

     

    Europe_badauds1

     

    D’ailleurs, ses acolytes  ne sont pas loin : on devine, penchés sur la rambarde dans la même posture contemplative que le peintre, trois silhouettes à peine discernables dans les volutes de vapeur. Certes, ceux-là ne portent pas de blouse blanche, mais on peut les considérer comme des équivalents acceptables des trois peintres.

     

    Les passants

    Le vieil ouvrier en veston de ratine luisante et casquette qui s’éloigne en nous tournant le dos, fournit un contrepoint ironique au bourgeois en chapeau haut de forme de Peintres en bâtiment, lui aussi vu de dos dans la même posture, juste derrière le chef d’équipe.

    Dans Peintres en bâtiment, il y avait aussi un bourgeois en haut de forme arrivant de face : nous le retrouvons, minuscule, réduit à une tête coiffée d’un chapeau-melon, juste derrière le chapeau-claque du personnage principal. Quant à la femme qui traversait la rue de droite à gauche, elle est remplacée ici par un soldat en rouge et bleu, qui traverse la rue au fond, lui aussi de droite à gauche.

     

     

    Caillebotte Pont de l'Europe PassantsCaillebotte Peintres en bâtiment Passants

    .
     

    Les trois figurants du Pont de l’Europe, démarquent donc précisément ceux de Peintres en bâtiments. Mais leur signification se disloque. Dans le premier tableau, on pouvait sans trop d’imagination les interpréter comme les acteurs d’une anecdote unique  : deux bourgeois sur un trottoir prennent en tenaille une passante, qui s’échappe en traversant la rue.  Ici, le trio explose en trois historiettes étanches :   sur le trottoir un vieil ouvrier s’en va, un bourgeois  arrive, et un militaire traverse la rue pour attraper un fiacre.

     

    Une impression de déjà-vu

    Peintres en bâtiment se composait d’une anecdote secondaire – deux passants autour d’une passante,  et d’une scène principale – quatre peintres contemplant la vitrine.

    Le pont de l’Europe constitue une sorte d’auto-citation de Caillebotte, dans laquelle l’anecdote secondaire s’est disloquée en trois trajectoires individuelles – le vieil ouvrier, le bourgeois, le soldat ; la scène principale est devenue secondaire – quatre oisifs contemplant la gare ; et une nouvelle scène principale  prend le devant avec la femme restée sur le trottoir, autour de  laquelle gravitent deux  entrants :  le flâneur et le chien.

     

    La femme rattrapée

    Caillebotte Pont de l'Europe Passante 

     

     

    A la femme suivie de Peintres en bâtiments, succède maintenant la femme rattrapée. Ici, pas d’échappatoire possible en changeant de trottoir : le flâneur vient de la doubler sur sa droite. Gênée, elle détourne son regard et se protège sous son ombrelle.

    Dans cet univers totalement masculin d’asphalte, de pierre et d’acier, elle apparaît singulièrement vulnérable. Le minuscule pan de jardin grillagé  au loin, juste à côté de sa tête,  est un havre de verdure inaccessible. Seule la fumée blanche de la locomotive, assortie aux dentelles de l’ombrelle, elles même assorties à celles de la robe, constitue un semblant de refuge.

    Qui est cette jeune femme qui se promène seule, en élégante robe noire, une bourgeoise libérée ou une femme légère, habituée des gares et des militaires ? Une seule chose est claire, elle n’est pas en train de se promener avec le flâneur : aucun homme bien élevé ne précéderait ainsi sa compagne. L’attitude de celui-ci nous donnera-t-elle une  réponse ?

     

    Le flâneur

    Caillebotte Pont de l'EuropeCaillebotte Pont de l'Europe Passante

     

    D’après la tradition familiale, il s’agit d’un autoportait de Caillebotte, âgé de 28 ans. Le jeune homme apparaît à son avantage : riche, de haute taille, élégant, sûr de lui. Il faut dire qu’il n’a guère de rivaux à proximité : un peintre qui regarde ailleurs, un vieil ouvrier qui s’en va, et un passant réduit à son chapeau-melon, doublé depuis longtemps sur le trottoir.

    S’il s’agit d’un autoportrait reconnaissable, on comprend d’autant plus que Caillebotte soit resté discret sur la signification de la scène. Pour sa famille, il fallait laisser la possibilité d’une interprétation convenable : une connaissance que le peintre a doublée sur le pont  et à qui il adresse quelques paroles courtoises. Envers ses amis peintres au contraire, peut-être s’agissait-il de sous-entendre une situation  plus galante.

    .

    .
    Le chien

     

     

    Caillebotte Pont de l'Europe Chien

     

     

    Reste le chien, un sans-race, un bâtard des rues. Planté comme une étiquette au bas du tableau, c’est peut-être lui qui en donne le sous-titre. Car Caillebotte, habitué des musées, savait que le chien aux pieds d’un couple signifie la fidélité. Mais qu’associé à une femme seule, il symbolise la frivolité, l’animalité.

    Le voici, le véritable rival du flâneur tiré à quatre épingles : un rival à quatre pattes, un flâneur professionnel, la truffe au ras des robes et la queue haute : lui-aussi tourne la tête vers la femme ; lui par contre n’a rien à dissimuler de ses désirs.

     

    Une scénographie qui s’anime

    Le Pont de l’Europe reprend et amplifie les thèmes mis en place dans Peintres en bâtiment. Outre l’évidente similitude de composition, tous les éléments du décor se retrouvent transposés d’un tableau dans l’autre : les échelles s’entremêlent en un treillis de poutrelles, le lampadaire devient réverbère, les deux fiacres donnent deux fiacres, mais  aussi deux locomotives. Mais tous les personnages également  : les trois petits passants donnent trois petits passants, les quatre peintres oisifs deviennent quatre badauds.

    Un fois le décor et les figurants plantés, Caillebotte fait monter sur le trottoir la femme suivie, qui devient, sous le nouveau rôle de femme rattrapée,  le centre d’intérêt du Pont de l’Europe, entre ces deux soupirants que sont le flâneur et le chien.

    Mais ce qui frappe le plus à l’issue de la comparaison, c’est que la scène statique soit devenue dynamique :  les peintres et les échelles qui obstruaient le passage se sont rangés sur le côté. Du coup, le trottoir apparaît comme le lieu où l’on bouge : le chien suit le vieil ouvrier en direction du fond, tandis que dans l’autre sens le bourgeois en  chapeau-melon suit le flâneur en chapeau claque, qui vient de doubler la jeune femme.

      

    En définitive, le tableau fonctionne comme une sorte de « piscine », avec des couloirs de circulation indépendants. Et dans chaque couloir, des éléments à l’arrêt renforcent l’impression de mouvement des éléments mobiles. Dans le couloir « rue », à sens unique, deux fiacres sont dirigés vers le fond, l’un en stationnement et l’autre roulant ; dans le couloir « voies ferrées » lui aussi à sens unique, deux locomotives sont dirigées vers la gauche, l’une roule et l’autre pas ; enfin, dans le couloir  « trottoir », à double sens de circulation cette fois, quatre personnages sont collés à la rambarde, tandis que trois passants dans un sens, et deux dans l’autre, se suivent et se croisent sans se heurter.

    Comme nous ne savons pratiquement rien sur la vie privée de Caillebotte, impossible d’après le tableau de trancher entre le jeune homme poli ou l’amateur de jolies femmes. Mais ce que nous savons avec certitude, c’est qu’il fut toute sa courte vie un passionné de régates.

    Et c’est cette référence nautique qui caractérise sans doute le mieux le « Pont de l’Europe », lieu de déplacements réglés et parallèles, sans autre enjeu que le dépassement.

     

    Double vue

    Il est possible de situer le point exact de la rue de Vienne où s’était placé Caillebotte : d’après ses descendants, il s’était fait construire pour l’occasion « un omnibus tout vitré afin de pouvoir peindre par tous les temps » (La vie et l’oeuvre de Gustave Caillebotte, dans Gustave Caillebotte, Berthaut, 1951).

    La perspective, probablement mise en place à partir de photographies, a fait ensuite l’objet de savants tripatouillages destinés à créer des trompe-l’oeil naturels, des situations d’ambiguïté visuelle dans lesquels « l’univers fidèlement transcrit s’avère une illusion et l’exactitude recouvre un mensonge » (K.Vanerdoe,P.Galassi « Gustave Caillebotte » Biro, 1987).

    Pour les détails de l’étude perspective , voir Peter Galassi (op.cit. p 27 et ss)

     

    Un carrefour compliqué

    Caillebotte Pont de l'Europe PerspectiveCliquer pour agrandir

    La topographie du Pont de l’Europe est très particulière :  quatre rues s’y croisent à angle droit : la rue de Vienne (celle où nous sommes) prolongée par la rue de Saint Petersbourg (celle que nous voyons en face de nous). Et perpendiculairement, la rue de Londres (l’autre tablier que nous voyons à droite au travers des croisillons), prolongée par la rue de Constantinople (à gauche, non visible dans le tableau).

     

     

    Europe_Carte

     

    Mais deux autres rues viennent compliquer l’intersection : la rue de Berlin (à 45° de la rue de Londres), que nous devinons seulement par une toiture partant en oblique à l’aplomb de la tête du chien ; et la rue de Madrid qui lui fait face, elle-aussi en hors champ à gauche.

     

    Une perspective arrangée

    Sur certains points, comme l’a découvert P.Galassi, Caillebotte n’a pas hésité à trafiquer la perspective lorsque cela servait ses fins. Ainsi, il a élargi le bord gauche du pont, de manière à escamoter en hors champ du tableau le débouché de la rue de Constantinople, à gauche du fiacre à l’arrêt. Sans doute pour fermer le tableau sur la gauche, et ramener l’oeil vers le point de fuite principal.

    De même, il a rapproché les deux immeubles du fond, et éloigné les immeubles de droite et  la rue de Londres, comme l’ont découvert récemment Claude P. Ghez et Pietro Galifi grâce à une reconstruction en 3D du carrefour.  Le but étant  sans doute de renforcer la lisibilité de la perspective centrale en faisant converger le maximum de lignes droites vers le point de fuite.

     

     Six rues réduites à quatre

    Ces arrangements mineurs, ainsi que le point de vue choisi par Caillebotte, permettent d’escamoter deux rues.

     

    Huit baleines réduites à six

    Europe_Ombrelle

     

    Le second tour  de passe-passe, de la même veine, concerne l’ombrelle de la jeune femme. Caillebotte nous la montre parfaitement symétrique et de face, on est donc persuadé qu’elle a six pans, alors qu’en fait elle en a huit : là encore, escamotage de deux items sur ce petit  croisement, non plus de rues, mais de baleines.

    Autrement dit : c’est l’ombrelle falsifiée qui donne le nombre réel de rues du carrefour falsifié !

     

    Une pente plate

    Lorsqu’on prolonge les bords de la balustrade et du trottoir  on trouve un premier point de fuite, situé un peu en dessous de l’oreille du flâneur. Lorsqu’on prolonge les lignes du tablier du pont, on trouve un second point de fuite, au niveau de son noeud de cravate. L’écart est faible, mais voulu :  d’ailleurs les deux points sont sur la même verticale.

    Comme l’a montré  P.Galassi, il ne s’agit nullement d’un trucage de la perspective, mais au contraire de son utilisation rigoureuse, d’un comble de la perspective. En effet, sur des photos d’époque (le pont a été totalement refait au 20ème siècle),  on voit que le tablier du pont était horizontal, alors que que la rue de Vienne est en pente. D’où les deux points de fuite, et leur décalage vertical.

    Un tableau de Jean Béraud nous confirme que la Place de l’Europe était un lieu de promenade apprécié , et que la rue de Madrid, à droite était en pente.

     

     

    Place Europe Jean BeraudCliquer pour agrandir

    Afin de nous empêcher de prendre conscience de la pente, Caillebotte d’une part a caché derrière la fumée le pilier où le tablier et le trottoir se rencontrent. D’autre part, il a fait converger les fuyantes de l’immeuble de gauche (qui sont de vrais horizontales) non pas vers le point de fuite du tablier (qui est lui aussi horizontal) mais vers celui du trottoir.

    Ainsi, nous n’interprétons pas la rue comme en pente, mais nous percevons néanmoins un effet de « grand angle », d’accélération de la perspective, qui nous aspire vers l’intérieur du tableau. Cet effet existait déjà   discrètement dans Peintres en bâtiments, mais il est amplifié ici par les fuyantes gigantesques du tablier.

    Si Caillebotte a choisi ce lieu et ce point de vue précis, c’est donc à cause de la pente, qui fait qu’une perspective scrupuleusement exacte est automatiquement forcée : une sorte de trompe-l’oeil naturel !

     

    Deux clichés raboutés

    Les deux premières poutrelles du tablier – celles qui forment un V au dessus du peintre en bâtiment -  sont incorrectes par rapport aux autres : leur inclinaison correspond à un point de vue différent de celui des autres poutrelles, et  leur écartement est plus important.

     

     

    Caillebotte Pont de l'Europe Croisillons

     

    Cette irrégularité  figure déjà dans les études préparatoires : c’est donc un effet voulu, et non fortuit. P.Galassi, sur la base d’un reconstruction perspective précise a montré que ceci ne devait pas s’interpréter comme un procédé artificiel servant  à attirer l’oeil sur le peintre en bâtiment et à aérer la vue sur les voies : tout se passe comme si Caillebotte avait utilisé deux clichés photographiques pris dans deux directions différentes : le cliché N°1  en direction du flâneur, le cliché N°2  en direction du peintre : puis il les a raboutés en raccordant les poutres du tablier.

     

    L’oeil du cinéaste

     

     

    Caillebotte Pont de l'Europe TopographieCliquer pour agrandir

     

     

    Dans sa vidéo consacrée à Caillebotte (Les Films du Paradoxe, 1994), Alain Jaubert a remarqué que le cliché N°1, vers le flâneur, conduit l’oeil, tout au bout de la rue de Saint Petersbourg, vers le lieu du troisième tableau de notre série de 1876 : « Rue de Paris, Temps de Pluie » :      une sorte de traveling avant.

    De même le cliché N°2, vers le peintre, conduit l’oeil vers la portion du tablier, rue de Londres, où Caillebotte s’est placé pour peindre son second tableau consacré au Pont de l’Europe et exposé lui-aussi en 1877 : comme si les deux tableaux anticipaient la technique du champ-contrechamp.

    Ainsi Caillebotte, par un discret jeu de piste, nous promène d’un tableau à l’autre.

     

    Un alter ego

    Mais la raison d’être des deux clichés raboutés est surtout psychologique   : en effet elle met sur un pied d’égalité les deux personnages masculins principaux : le flâneur, dont le haut de forme culmine à la pointe du V renversé que tracent fortement les fuyantes du cliché N°1 (les bord du trottoir) ;  et le peintre, en bas du V que tracent tout ausi fortement les premières poutrelles, vues selon la perspective du cliché N°2.

    Quant au chien, qui se dirige vers le flâneur mais désigne le peintre par sa queue, il se situe lui aussi au bas d’un autre V :  peut être pour matérialiser, à l’intérieur du tableau, le troisième homme, le spectateur, le témoin, invité à exercer sur l’oeuvre un regard dédoublé.

    Car l’oeil, analysant de manière subliminale la juxtaposition des deux clichés, est conduit à osciller du flâneur au rêveur, du bourgeois à l’ouvrier, de l’homme en noir à l’homme en blanc, de l’autoportait assumé à l’autoportrait qui se camoufle derrière un poing fermé.

    Et puisque le flâneur est Caillebotte, le « peintre en bâtiment » au visage caché est également, forcément, Caillebotte.

     

    Jusqu’à la mort de sa mère (en 1878), Caillebotte mène une double vie, bourgeoise et bohème, dont on imagine qu’elle n’a pas dû être exempte de tensions. En se portraiturant sous la figure de ses deux avatars dans le décor complexe du Pont de l’Europe, il nous offre une métaphore de sa propre complexité : à la fois pont – autrement dit trait d’union entre deux mondes, et croisement – autrement dit potentialité de collisions, de conflits.

     

     

     

    Le motif du X, multiplié à l’infini dans les poutelles d’acier, mais aussi suggéré dans les V qui désignent de leur pointe les trois protagonistes (le flâneur, le peintre et le chien-témoin), mais aussi inscrit dans le plan du Pont de L’Europe, constitue sans doute le sujet latent du tableau : emblème de puissants tiraillements, voire d’un crucifixion symbolique.

     

    Double jeu

    Le flâneur semble se retourner vers la passante pour un regard, ou une parole flatteuse. Mais, comme le montre clairement un dessin préparatoire, c’est en fait vers le peintre en bâtiment qu’il porte son regard. D’où le soupçon d’une double attirance.

     

    Un célibataire endurci

    Caillebotte restera célibataire toute sa vie. Il partage son appartement parisien avec son frère Martial jusqu’au mariage de ce dernier (en 1887), mais à partir de 1883, il héberge dans sa maison  de Genevilliers la jeune  Charlotte Berthier (20 ans),  à qui il laissera à sa mort, dix ans plus tard, une rente conséquente et une petite maison. On ne lui connaît donc de maîtresse qu’à partir de l’âge de 35 ans, signe d’une grande discrétion, ou d’une longue préférence pour la liberté.

    D’ailleurs, lorsque Caillebotte peint un couple en 1880, c’est toujours d’un point de vue critique :  « Intérieur, femme lisant » et « Intérieur, femme à sa fenêtre » montrent la « désaffection matrimoniale » (K.Varnedoe) du modèle bourgeois, où la femme visiblement s’ennuie et rêve d’autre chose.

     

    Un "sportsman naturaliste" 

     

    Sa prédilection pour les thèmes musclés (raboteurs, rameurs, baigneurs, dandys, hommes diversement dénudés) peut s’expliquer par son côté « sportsman naturaliste ». Quant au nombre exceptionnellement faible de tableaux dont le sujet relève de l’érotique traditionnelle (« Femme à sa toilette » et deux nus au divan), il dénote pour le moins une sérieuse réserve vis à vis des modèles féminins – mais on comprend qu’un millionnaire puisse se méfier des cocottes. Par ailleurs, un millionnaire n’est pas obligé de vendre ses tableaux et n’a donc pas la même obligation que ses collègues de multiplier les femmes nues.

     

    Le Pont de l’Europe comme aveu

    De manière générale, la lecture « queer » de l’oeuvre de Gustave est trop facile pour être honnête. Mais il est vrai que le Pont de l’Europe, sans doute le tableau où il semble désireux de sortir de sa réserve coutumière et de nous livrer un peu plus de lui-même,  s’y prête particulièrement.

    Soit on considère, comme dans l’analyse précédente (Double Vue), qu’il s’agit d’un double auto-portait en tant que bourgeois et bohème ; soit on se cantonne au sujet littéral et on voit,  indubitablement, un homme qui semble se retourner vers une femme mais en fait évalue le postérieur d’un jeune ouvrier.

     

    Le chien immoraliste

    Dans cette optique, le quadrupède ne représenterait plus, comme expliqué précédemment, l’émissaire du spectateur à l’intérieur du tableau ; mais plutôt un alter ego canin et libéré du flâneur prisonnier des convenances – son double animal : après tout, littéralement, le chien ne touche-t-il pas le peintre ?

     

    Les locos ithyphalliques

    Caillebotte Pont de l'Europe Locomotives

     

    L’une roule vers le flâneur en fumant, l’autre stationne sous l’ouvrier. Ajoutons-y le militaire et nous avons presque une illustration de Rimbaud, « ithyphalliques et pioupiesques »

      

    Dans sa manière de manipuler la perspective, nous avons vu à l’oeuvre le côté retors et diablement  intelligent de Gustave à la manoeuvre : tout en la respectant à l’excès pour nous faire croire qu’il la truque, il la viole quand cela l’arrange sous prétexte de réalisme.

    Aussi ne perdons jamais de vue le côté « joueur à plusieurs bandes » de ce surdoué. 

     

      

    Le pont de l'Europe de Gustave CAILLEBOTTE

    :   AUTRE ANALYSE TECHNIQUE DE L'ŒUVRE:   
    En observant l'œuvre, nous remarquons principalement trois personnes et un chien se trouvant sur un pont de fer en premier plan.
    -L'un des personnages est accoudé à la barrière et il regarde, d'un air pensif, ce qu'il se passe en dessous du pont. Cet homme est habillé d'une blouse grise ce qui laisse à pense que son métier serait ouvrier.

    -Le chien déambule tranquillement vers le fond du tableau.
    -Les deux autres personnes, un homme et une femme, certainement un couple, qui adoptent une marche lente dans notre direction.

    -La femme porte une jupe froncée avec de petites chaussures beiges et un chapeau assez imposant. Pour rajouter à son élégance, elle se protège du soleil grâce à une ombrelle ornée de dentelle.

    -L'homme qui discute avec elle, est barbu, il semble grand et est muni d'un manteau long et d'un chapeau haute forme. Tous deux sont les représentants de la bourgeoisie.

     

    En arrière plan, des immeubles, calèches, quelques personnes, un lampadaire et une épaisse fumée blanche qui semble venir d'une usine se situant sous le pont. Il est donc probable que le premier personnage en costume de travail regarde son lieu de fonction.



    Cette peinture comporte deux plans:

     

    -le premier montre les trois personnes, le chien ainsi que le début du pont.
    ->ceci nous fait penser au côté de la rêverie et de l'insouciance

     

    -le deuxième plan correspond aux immeubles, à l'usine, aux calèches et aux hommes qui s'en occupent.

    ->cela pourrait être le domaine du travail

    Deux points de fuite nous paraissent visibles:  

     

     

    -le premier, et le principal, se trouve sur la tête de l'homme barbu. Il est le point de convergence des lignes du pont, des bâtiments et de l'ombre du chien.

    - le second se situe au niveau du lampadaire, au fond du tableau, où se rejoint le trottoir, le chapeau haute forme du bourgeois et le chien qui semble vouloir s'en rapprocher.





    De plus, le peintre a procédé grâce à une géométrie rigoureuse qui figure déjà dans le dessin préliminaire. Nous voyons que les perspectives sont très marquées et elles sortent du tableau avec un esprit d'infini, d'échappatoire.

     

    Pour ce tableau, l'utilisation du crayon et aussi de l'huile a été nécessaire pour que les personnages, les éléments soient minutieusement représentés. Les détails sont fins et précis, le dessin est net, voir même lisse (peut-être cela est dû à l'utilisation de la technique du glacis).
    Les couleurs sont froides: le noir, bleu et gris dominent. Seul quelques impressions de rouge se retrouvent sur: le pantalon d'un homme en arrière plan et sur les cheminées des bâtisses.


    Le tableau est baigné dans la lumière du soleil qui vient de la droite.

    Les jeux d'ombres sont complexes et laissent dans la lumière les deux bourgeois qui se promènent. Ils sont nets et rigoureux, et représentent bien la réalité même au fond du tableau.



    INTERPRÉTATION DE L'OEUVRE:  
    D'après notre analyse, nous pensons que l'artiste a voulu dépeindre un contraste entre la société bourgeoise, paisible, qui se balade et le monde du travail ( par l'usine et les calèches ).
    De plus, une supposition que nous nous sommes faites a été révélée: l'homme au chapeau haut de forme est probablement le peintre parce qu'il existe une photo de lui prise par son frère dans la même position.
    Longtemps ce tableau fut méconnu, et, pourtant, c'est une superbe représentation de la ville moderne parisienne et contemporaine.

     

    Nous avons choisi ce tableau pour, son naturel, son impression épurée, le fait que cette scène décrive le quotidien et surtout pour la finesse du travail du peintre qui a pris soin des détails avec une minutie inégalée.

    Cette impression de relief que donne la structure du pont marque un effet de trompe l'œil, tous nous paraît si palpable et notre regard est attiré vers le fond de la rue, on attend presque que les personnes de la classe aisée aient fini de passer pour pouvoir s'avancer à notre tour sur ce trottoir infini.

    Delicious Technorati Yahoo! Google Bookmarks Blogmarks Pin It

    votre commentaire